Les corbeaux (et les pies) utilisent des pics anti-pigeons pour construire leurs nids

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Un des nids fait de pointes anti-oiseaux. | Auke-Florian Hiemstra
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L’adaptation des corbeaux et des pies à l’environnement urbain, notamment par l’utilisation de pics anti-pigeons pour construire leurs nids, souligne leur ingéniosité face aux défis de l’Anthropocène. Cette tendance, observée mondialement, révèle comment ces oiseaux transforment un obstacle en ressource. Cependant, l’utilisation de matériaux anthropiques comporte des risques, soulignant la nécessité de surveiller l’impact de nos activités sur la faune.

L’Anthropocène, l’ère actuelle dominée par les activités humaines, a vu l’émergence de paysages urbains qui posent de nouveaux défis aux espèces sauvages. Parmi ces défis, l’un des plus visibles est la prolifération des pics anti-pigeons, conçus pour dissuader les oiseaux de se percher sur les bâtiments.

Cependant, loin d’être dissuadés, certains oiseaux, notamment les corbeaux et les pies, ont trouvé une utilisation surprenante pour ces pics. Ces oiseaux intelligents les ont transformés en matériaux de construction pour leurs nids. Des chercheurs du Naturalis Biodiversity Center et du Natural History Museum Rotterdam ont collecté ces nids spéciaux pour la première fois et ont décrit ce comportement remarquable dans une publication scientifique comme « une ultime adaptation à la vie en ville ». Cette tendance a été observée dans plusieurs villes à travers le monde, démontrant une fois de plus la capacité d’adaptation remarquable de ces oiseaux. Leurs travaux sont publiés dans la revue Deinsea.

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1500 pics dans un nid

L’adaptabilité et la créativité des oiseaux urbains semblent ne connaître aucune limite. Kees Moeliker, directeur du Musée d’histoire naturelle de Rotterdam et co-auteur de l’étude, déclare dans un communiqué : « Juste au moment où vous pensez avoir tout vu après un demi-siècle d’études d’histoire naturelle, ces corbeaux et ces pies inventifs me surprennent à nouveau ».

Tout a commencé par la découverte d’un immense nid à Anvers, dans la cour d’un hôpital, qui a été repéré par l’un des patients. En haut d’un arbre, les pies ont fait un énorme nid de 1500 pics de métal. Pour ce nid particulier, les oiseaux ont retiré jusqu’à 50 mètres de pics anti-oiseaux de l’avant-toit.

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Nid d’oiseau composé de pics anti-oiseaux et d’une bande de pics (en bas à droite). © Auke-Florian Hiemstra/Natuurhistorisch Museum Rotterdam

Le biologiste Auke-Florian Hiemstra de Naturalis souligne : « [C’était] une forteresse imprenable, parce que les pies semblent utiliser les épingles exactement de la même manière que nous : pour éloigner les autres oiseaux de leur nid ». Ce chercheur a déjà publié un article sur l’utilisation de matériaux artificiels dans les structures animales, notamment l’utilisation de masques faciaux et de plantes en plastique dans les nids d’oiseaux. Il constate également régulièrement des préservatifs, des restes de feux d’artifice, des enveloppes, des lunettes de soleil et des essuie-glaces.

Les avantages et les risques des matériaux anthropiques

L’utilisation de matériaux anthropiques dans la construction des nids est une stratégie d’adaptation qui présente des avantages et des inconvénients pour les oiseaux. D’une part, ces matériaux, comme les pics anti-pigeons, peuvent offrir une protection supplémentaire contre les prédateurs en rendant les nids plus difficiles à atteindre ou à détruire. De plus, ils peuvent servir de barrière contre les intempéries, protégeant les oiseaux et leurs œufs des éléments.

Cependant, l’utilisation de ces matériaux n’est pas sans risques. Les oiseaux peuvent être exposés à des substances toxiques présentes dans les matériaux anthropiques, ce qui peut avoir des effets néfastes sur leur santé et leur reproduction. De plus, il existe un risque d’emmêlement, les oiseaux et leurs petits pouvant se retrouver coincés dans les matériaux, ce qui peut entraîner des blessures ou même la mort.

Malgré tout, les oiseaux continuent d’utiliser ces matériaux dans leurs nids. Cela suggère qu’ils sont capables de peser les avantages et les inconvénients de l’utilisation de ces matériaux et de faire des choix en conséquence. Cette capacité à évaluer et à répondre aux défis de leur environnement est un exemple frappant de l’intelligence et de la flexibilité comportementale des oiseaux.

Une nouvelle tendance chez les oiseaux urbains

Cette tendance d’adaptation des oiseaux, notamment des corbeaux et des pies, à l’environnement urbain est observée à l’échelle mondiale. Des recherches récentes ont montré que 176 espèces d’oiseaux à travers le monde incorporent désormais une grande variété de matériaux anthropiques dans leurs nids.

En Australie, par exemple, les oiseaux de mer intègrent des filets de pêche dans leurs nids. En Amérique du Nord, les balbuzards pêcheurs incluent de la ficelle de presse à balles, tandis que les oiseaux vivant dans les villes d’Amérique du Sud ajoutent des mégots de cigarettes. En Europe, les merles noirs ramassent des sacs en plastique pour les ajouter à leurs nids.

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Poussins de cigogne blanche dans un nid fait de matériaux anthropiques. © Zuzanna Jagellon

Ces observations montrent comment les oiseaux, grâce à leur grande mobilité et leur biologie de reproduction, peuvent se révéler être de puissants bio-indicateurs de la pollution anthropique de l’environnement. Cependant, il est important de noter que l’inclusion de matériaux anthropiques dans les nids peut parfois causer du tort aux oiseaux. Par exemple, les parents et les oisillons peuvent parfois s’emmêler mortellement dans la ficelle de presse à balles. De plus, les oisillons peuvent parfois ingérer du matériel anthropique en le confondant avec des proies naturelles.

Une adaptation à l’Anthropocène qui nous remet en question

L’utilisation des pics anti-pigeons par les corbeaux et les pies est un exemple frappant de la manière dont les animaux s’adaptent à l’Anthropocène, l’ère actuelle dominée par les activités humaines. Alors que nous continuons à modifier notre environnement, il est essentiel de surveiller et de comprendre comment les autres espèces s’adaptent à ces changements.

Ces observations soulignent l’importance de réduire la quantité de plastique et d’autres matériaux anthropiques que nous jetons. Elles nous aident à protéger la biodiversité et à nous interroger sur notre place en son sein. Nous pouvons aussi apprendre et nous inspirer des stratégies d’adaptation que la nature a perfectionnées au fil des millénaires, pour préserver la Terre en pleine crise climatique.

Source : Deinsea

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