Voici comment les scientifiques savent que le SARS-CoV-2 n’a pas été conçu en laboratoire

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Parmi les nombreuses fakenews qui parasitent les réseaux depuis le début de la pandémie, l’une concerne le fait que l’apparition du nouveau coronavirus ne serait pas le fruit du hasard… En effet, certains adeptes de théories du complot clament haut et fort que ce virus aurait été fabriqué dans un laboratoire. Pourtant, la grande majorité des scientifiques s’accordent à dire aujourd’hui qu’il a été transmis à l’Homme via une espèce animale (voire deux espèces). La preuve ? Elle se trouve dans le génome du virus…

Un article publié en 2017 dans la revue Emerging Infectious Diseases rapporte que près de 60% des maladies infectieuses connues et 75% des maladies émergentes sont d’origine animale. Le virus Ebola, le virus de la rage, certaines souches de grippe A, le virus Nipah, sont par exemple tous issus de la chauve-souris. Le SARS-CoV-2 est le plus récent des sept coronavirus identifiés chez l’Homme ; les six premiers provenaient tous d’animaux (chauve-souris, souris ou animaux domestiques).

Les preuves d’une origine animale

Il est particulièrement difficile toutefois d’identifier précisément le groupe de chauves-souris à l’origine du nouveau coronavirus : cet ordre de mammifères regroupe près de 1400 espèces différentes (soit quasiment un quart de toutes les espèces de mammifères connues !). En outre, leur répartition géographique est très étendue. Mais si l’espèce coupable n’a pas encore été identifiée, cette origine animale ne fait aucun doute pour la communauté scientifique.

origines animaux coronavirus humains
Hôtes animaux des coronavirus humains (HCoV). Les flèches représentent la transmission de HCoV-NL63, HCoV-229E, SARS-CoV, MERS-CoV, SARS-CoV-2, HCoV-OC43 et HCoV-HKU1 de leurs hôtes (chauves-souris ou rongeurs) aux hôtes intermédiaires (camélidés, civettes, dromadaires, pangolins ou bovins) et éventuellement à la population humaine. Il n’y a aucune preuve concrète concernant les hôtes intermédiaires du HCoV-NL63 et du HCoV-HKU1, d’où les points d’interrogation. Crédits : Zi-Wei Ye et al.

Pour commencer, le génome du SARS-CoV-2, qui a été très rapidement séquencé, a été partagé publiquement et étudié par des scientifiques du monde entier. Or, si le virus avait été manipulé en laboratoire, ces données auraient conservé des traces d’une intervention humaine : notamment la présence d’une séquence virale connue en tant que « squelette », ou des éléments clairement insérés ou supprimés par exemple. Mais aucune trace de ce type n’a été relevée et il est peu probable que les techniques actuelles de modification génétique ne laissent aucune empreinte…

Le génome du SARS-CoV-2 est similaire à celui des autres coronavirus de chauve-souris, ainsi qu’à ceux des pangolins. Or, les différences notables entre ces différents génomes de coronavirus correspondent à des schémas naturels typiques de l’évolution des coronavirus. Cela suggère que le SARS-CoV-2 a bien évolué à partir d’un coronavirus existant.

Certes, l’une des spécificités de ce nouveau virus est qu’il possède une protéine de pointe (protéine S), via laquelle il parvient à se fixer aux cellules humaines, en se liant – avec forte affinité – au récepteur ACE2. C’est justement cette étroite affinité qui confirme que ce virus ne peut pas avoir été conçu artificiellement : le fait qu’un virus précurseur acquière à la fois le site de clivage polybasique et les mutations nécessaires pour que la protéine de pointe se lie à l’ACE2 humain, suggère l’existence d’un hôte animal à densité de population élevée (pour permettre à la sélection naturelle de se dérouler efficacement), affichant un codage du gène ACE2 similaire à celui de l’Homme.

Les chauves-souris sont des réservoirs à coronavirus bien connus. Virus et animal se livrent une bataille constante : les virus évoluent pour contrer les défenses immunitaires du petit mammifère, tandis que ce dernier évolue pour mieux résister à l’infection. Au final, le virus évolue en de multiples variantes ; certaines finissent par être détruites par le système immunitaire de l’animal, d’autres parviennent à survivre et à contaminer d’autres chauves-souris.

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Caractéristiques de la protéine de pointe du SARS-CoV-2 humain et des coronavirus apparentés. Les zones clés de la protéine de pointe qui entrent en contact avec le récepteur ACE2 sont entourées de cases bleues. Crédits : K. Andersen et al.

L’animal a donc été rapidement suspecté. Plusieurs études ont suggéré que le SARS-CoV-2 était issu d’un virus de chauve-souris connu (dénommé RaTG13) ; les deux génomes sont en effet identiques à 96 %. En réalité, la filiation n’est pas celle que l’on croyait : il a été démontré par la suite que tous deux partagent en réalité un ancêtre commun. Les scientifiques à l’origine de cette étude ont même estimé que le RaTG13 et le SARS-CoV-2 avaient divergé il y a 40 à 70 ans.

Une infection humaine causée par un « balayage sélectif »

Selon un article publié dans Nature Medicine au mois de mars, le SARS-CoV-2 était en quelque sorte « en sommeil » chez la chauve-souris, puis aurait peu à peu développé la capacité d’envahir les cellules humaines. Par la suite, les scientifiques suggèrent deux scénarios possibles. Pour commencer, le virus aurait pu trouver le moyen d’infecter l’Homme au moyen d’un hôte animal intermédiaire. Le RaTG13, bien que très similaire au SARS-CoV-2, ne peut se lier si efficacement au récepteur ACE2 des cellules humaines. En revanche, certains coronavirus de pangolins présentent une forte similitude avec le SARS-CoV-2, y compris au niveau de cette zone de fixation. Ce qui suggère que la liaison optimale « protéine S-ACE2 » est le fruit d’une sélection naturelle.

Il est également possible qu’une forme initialement inoffensive du virus ait sauté directement dans un hôte humain pour y évoluer, s’adaptant au fil de ses transmissions d’humain à humain, se dotant des caractéristiques génomiques nécessaires à l’infection.

Depuis le début de la pandémie, le nouveau coronavirus semble en réalité avoir commencé à évoluer via deux souches distinctes, s’adaptant au fur et à mesure pour infecter plus efficacement les cellules humaines. Les experts appellent cela un balayage sélectif : des mutations génétiques « avantageuses » aident un virus à infecter toujours plus d’hôtes, de manière à augmenter sa population. Ce processus naturel aboutit à une réduction des variations entre plusieurs génomes viraux individuels. Ce qui explique le manque de diversité observé dans les nombreux séquençages du génome du SARS-CoV-2…

L’ancêtre du SARS-CoV-2 pourrait ainsi avoir circulé parmi les populations de chauves-souris pendant très longtemps avant d’acquérir les mutations qui lui ont permis d’infecter l’Homme.

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Il a finalement été prouvé que les premiers cas de COVID-19 se seraient produits hors du marché de Wuhan. C’est sans doute ce qui a amorcé cette fameuse théorie du complot. Pourtant, des personnes infectées ont très bien pu introduire le virus dans cette ville, voire directement sur ce marché, où la promiscuité a favorisé la propagation rapide du virus. Même un scientifique effectuant des recherches sur les coronavirus de chauves-souris aurait très bien pu être infecté lui-même par cette nouvelle forme de virus, sans le savoir, puis l’aurait transmis à d’autres humains en se rendant à Wuhan… Mais même dans ce cas de figure, cela ne pourrait néanmoins pas être considéré comme une fuite de laboratoire !

Le SARS-CoV-2 est bel et bien d’origine naturelle. Ce n’est pas le premier virus que nous rencontrons provenant des animaux, et ce ne sera malheureusement sûrement pas le dernier.

Source : Nature Medicine, K. Andersen et al.

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