Les ondes cérébrales de poulpes en mouvement enregistrées pour la première fois

onde cerebrale premier pieuvre
| Pixabay
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Doté d’impressionnantes capacités cognitives, le poulpe fascine par son intelligence. Malgré cette notoriété, nous n’en savons cependant que très peu sur son fonctionnement cérébral. Décrypter ce dernier fournirait notamment de précieux indices sur la compréhension des systèmes nerveux les plus complexes, dont le nôtre. Étudiant de près le système nerveux de ces céphalopodes, un groupe de recherche international a pour la première fois enregistré les ondes cérébrales de spécimens en mouvement libre. Véritable prouesse technique, cette avancée pourrait permettre de mieux comprendre comment le cerveau de l’animal régit son incroyable intelligence et ses facultés cognitives hors normes.

Avec huit membres, trois cœurs et plusieurs centres cérébraux lui conférant une étonnante intelligence, le poulpe est un animal mystérieux et fascinant, échappant parfois à notre compréhension. « Elles sont ce qui se rapproche le plus de l’étude d’un extraterrestre intelligent sur Terre », estime Sam Reiter, chercheur à l’unité de neuroéthologie computationnelle à l’Okinawa Institute of Science and Technology Graduate University (OIST), et spécialiste des céphalopodes coléoïdes.

Avec ses 500 millions de neurones, le système nerveux du poulpe serait aussi étendu que celui d’un chien. Mais contrairement à ce dernier ainsi qu’à d’autres vertébrés, la grande majorité (plus de deux tiers) des neurones du poulpe sont répartis dans ses membres et autres zones de son corps. Ce gigantesque réseau de neurones lui permet de résoudre des casse-tête cognitifs complexes, d’avoir une perception accrue de son environnement et de s’y fondre, de leurrer ses prédateurs, de contrôler ses huit bras avec une parfaite coordination, etc.

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La nouvelle étude, co-dirigée par l’OIST cherche à déterminer comment le poulpe contrôle ses mouvements et son comportement et quels circuits cérébraux régissent ce contrôle. À savoir que chaque tentacule comprend plus de 200 ventouses, dont les mouvements et les contractions sont constamment coordonnés, afin de sentir et potentiellement saisir toute chose dans l’environnement de l’animal. De plus, chacun de ces tentacules peut se tordre et se plier à volonté dans un nombre presque incalculable de configurations. La coordination des mouvements doit également être effectuée en parallèle du contrôle des fonctions vitales et autonomes du céphalopode. Contrôler cet ensemble impliquerait le traitement en temps réel d’un très grand nombre d’informations à la fois. Pour ce faire, le système nerveux du poulpe aurait une organisation très inhabituelle pour un invertébré.

« Si nous voulons comprendre comment fonctionne le cerveau, les poulpes sont les animaux parfaits à étudier en comparaison avec les mammifères », explique Tamar Gutnick, coauteur principal de la nouvelle étude et ancien chercheur postdoctoral à l’unité de physique et de biologie de l’OIST. « Ils ont un gros cerveau, un corps incroyablement unique et des capacités cognitives avancées qui se sont développées complètement différemment de celles des vertébrés », ajoute-t-il.

Un contrôle coordonné par un cerveau principal

Considérant les huit centres nerveux périphériques du poulpe, des chercheurs ont longtemps suggéré que le contrôle de chaque tentacule de l’animal se faisait indépendamment de son cerveau principal. De plus, des recherches antérieures ont montré que les mouvements des tentacules étaient régis par des boucles de réflexes, leur permettant de bouger même en étant arrachés du corps.

Cependant, de récentes recherches semblent démontrer que les membres de l’animal seraient plus connectés qu’on le pensait à son cerveau principal. Les résultats de ces études ont notamment montré que les tentacules du poulpe ont à la fois la capacité de proprioception (la capacité de sentir où se trouve le membre et comment il bouge) et de traitement des informations tactiles. Le système nerveux de l’animal serait ainsi beaucoup plus complexe qu’on l’imaginait.

Enregistrer l’activité cérébrale du poulpe : un défi technique

L’enregistrement de ses ondes cérébrales, décrit dans la nouvelle étude parue dans la revue Current Biology, relèverait d’une véritable prouesse technique. La pieuvre possède en effet un corps mou, et en l’absence d’un crâne, fixer des électrodes est d’une grande difficulté. De plus, l’animal arracherait systématiquement tout objet collé à n’importe quelle zone de son corps, grâce à la flexibilité de ses membres. De ce fait, enregistrer les activités électriques se déroulant au niveau du système nerveux de l’animal était jusqu’à récemment une mission impossible.

Afin de pouvoir fixer les appareils d’enregistrement (fonctionnant avec une faible teneur en air), les chercheurs ont choisi de les implanter sous la peau — de trois pieuvres Octopus cyanea. Après avoir anesthésié ces dernières, l’enregistreur a été inséré dans une cavité de la paroi musculaire au niveau du manteau. Les électrodes ont été implantées au niveau du lobe vertical et frontal supérieur médian des animaux. Ces zones seraient les plus aisément accessibles et seraient également importantes pour l’apprentissage visuel et la mémoire.

Après l’opération, les pieuvres ont été ramenées dans leur aquarium pour être surveillées et filmées. Au cours des 12 heures suivant l’opération, elles ont été observées en train de dormir, de se nourrir et de se déplacer. Les dispositifs d’enregistrement ont ensuite été retirés et analysés par le biais d’une synchronisation avec les vidéos de surveillance.

Après observations, les chercheurs ont constaté plusieurs modèles distincts d’activité cérébrale, dont certains seraient similaires en taille et en forme à ceux observés chez les mammifères. De façon étonnante, des oscillations lentes et de très longue durée, jamais observées auparavant chez aucun autre animal, se seraient également produites. En prochaine étape, les chercheurs comptent observer ces oscillations électriques en faisant effectuer des tâches d’apprentissage spécifiques aux pieuvres.

Source : Current Biology

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