Pourquoi écouter de la musique nous donne parfois des frissons ?

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Chez certaines personnes, une scène de film, une belle architecture ou un parfum enivrant peuvent déclencher des frissons. Pour d’autres, c’est davantage la musique. Nous avons tous expérimenté cette sensation étonnante, ce frisson parcourant notre colonne vertébrale lorsque nous écoutons une musique ou une chanson qui nous touche particulièrement. Ce phénomène est connu de longue date des neuroscientifiques, bien que son explication ait toujours été difficile à appréhender. Mais récemment, grâce à l’imagerie cérébrale, des chercheurs pourraient avoir identifié le processus à l’origine de ces frissons musicaux.

Dans une étude publiée dans la revue Frontiers in Neuroscience, des scientifiques présentent la découverte que des ondes spécifiques liées à l’activité cérébrale augmentent en puissance lorsqu’un individu ressent des frissons en écoutant un morceau de musique déclenchant une réponse émotionnelle. L’étude a été menée sur un échantillon de 18 personnes et s’appuie sur des recherches antérieures suggérant que la musique est liée à l’activation des centres du plaisir dans le cerveau.

Thibault Chabin, de l’Université de Bourgogne Franche-Comté en France, auteur principal de l’étude, explique que le plaisir musical active certains des circuits de traitement des récompenses comme le font d’autres formes « basales » de plaisir, comme la nourriture ou le sexe. Écouter de la musique peut également entraîner la libération de dopamine — l’hormone associée aux expériences agréables.

« Ce qui intrigue avec la musique, c’est qu’elle semble ne conférer aucune valeur biologique, et n’a aucune valeur pour la survie. Nous devons découvrir pourquoi la musique passe par les circuits de la récompense et peut activer un circuit ancestral dédié à la motivation et impliqué dans la fonction de survie », indique Chabin.

Une relation entre musique et plaisir ?

Des études antérieures sur la musique et le plaisir ont analysé les neurotransmetteurs et utilisé l’imagerie par IRMf pour montrer que la musique provoque deux ondes de plaisir dans le cerveau. Une étude de 2011 publiée dans la revue Nature a rapporté que, lorsqu’une musique est jouée, il y a d’abord une période d’anticipation, puis, enfin, un relâchement de neurotransmetteurs. Les frissons frappent et la dopamine est libérée.

Cette nouvelle étude est basée sur des lectures EEG, qui mesurent l’activité électrique du cerveau. L’idée était de voir s’il y avait des changements dans l’activité électrique du cerveau qui pourraient également conforter une relation entre la musique et le plaisir. Dix-huit personnes ont été évaluées, dont huit musiciens amateurs. Les participants ont choisi cinq chansons à l’avance qui, selon eux, leur donnaient souvent des frissons.

Les chercheurs ont également fourni à l’équipe trois chansons neutres à écouter. Ensuite, les auditeurs se sont assis, ont fermé les yeux et ont écouté la musique avec des écouteurs sans fil pendant que l’équipe surveillait leur activité cérébrale. En écoutant, les participants ont eu des frissons en moyenne 16.9 fois chacun. Chacun de ces moments a duré environ 8.75 secondes.

Plusieurs zones cérébrales activées par la musique

Lorsque les participants ont écouté des chansons qui leur donnaient des frissons, l’équipe a constaté une augmentation des ondes thêta (une onde d’activité cérébrale qui suit des oscillations régulières) dans le cortex orbitofrontal (faisant partie du cortex préfrontal). Cette zone du cerveau est associée au traitement émotionnel.

puissance ondes thêta cortex préfrontal
Graphiques montrant l’activité des ondes thêta et alpha dans le cortex préfrontal lors des périodes de faible plaisir (LP), plaisir élevé (HP) et de frisson (chills). Les ondes thêta sont notablement élevées dans ce dernier cas. Crédits : Thibault Chabin et al. 2020

La puissance de ces ondes était en corrélation avec l’intensité des frissons et la force des émotions ressenties par les auditeurs. Dans le même temps, l’équipe a trouvé des modèles d’activité dans deux autres régions du cerveau : la zone motrice supplémentaire, une région du cerveau impliquée dans le contrôle moteur, et le lobe temporal droit, qui est impliqué dans l’interprétation de la communication non verbale, comme la musique.

Chabin explique que c’est un autre indicateur que la musique peut déclencher la libération de dopamine et donc activer les systèmes de plaisir de notre cerveau (sans parler des zones éloignées du cerveau non liées au plaisir). De cette façon, cela le rend similaire, mais pas identique, aux autres activités qui libèrent de la dopamine dans le cerveau.

La musique : elle pourrait avoir une fonction ancestrale

Cette similitude fait allusion à une autre fonction de la musique qui va au-delà du simple plaisir, dit-il. Il peut y avoir une raison évolutive pour laquelle la musique impacte notre cerveau de la même manière que d’autres plaisirs basaux. « L’implication du système de récompense et du système dopaminergique dans le traitement du plaisir musical [également impliqué dans les comportements motivés : alimentation, sexe, drogue, argent] suggère une fonction ancestrale de la musique ».

Chabin suggère ainsi que la musique a peut-être eu autrefois une autre « fonction ancestrale ». Dans l’article, les auteurs suggèrent que la fonction ancestrale pourrait être liée au stade d’anticipation des frissons. Les ondes thêta sont liées au succès des tâches de mémoire lorsque nous percevons une récompense. Les frissons pourraient être un moyen de nous aider à réaliser que nous sommes sur la voie d’une récompense, mais ce n’est qu’une première idée.

Les scientifiques ne savent toujours pas exactement ce qu’est cette « fonction ancestrale » ; bien que certains émettent l’hypothèse qu’il s’agit d’une adaptation biologique socialement enracinée. Parce que la musique peut créer des liens entre les communautés, elle peut avoir un impact sociétal évolutif important.

Sources : Frontiers in Neuroscience

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