Une protéine capable de « rajeunir » le cerveau aussi bien que l’exercice physique

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L’activité physique régulière est le meilleur moyen de conserver une bonne santé, tant d’un point de vue physique que mental. Plusieurs études ont en effet démontré que l’exercice physique protège le cerveau contre le déclin cognitif lié à l’âge. Malheureusement, certaines personnes âgées n’ont pas la capacité de pratiquer de tels efforts, pour cause de limitation physique ou de handicap. C’est pourquoi les scientifiques recherchent des thérapies capables d’apporter à ces personnes les mêmes bienfaits que l’activité physique. Or, des chercheurs américains viennent de découvrir que chez la souris, une protéine sécrétée par le foie entraînait une amélioration notable au niveau cognitif.

Cette équipe de chercheurs de l’UC San Francisco et de l’Eli and Edythe Broad Center for Regeneration Medicine and Stem Cell Research a découvert qu’après l’exercice, le foie des souris sécrète une protéine, nommée Gpld1. Or, des niveaux élevés de cette protéine dans leur plasma sanguin correspondent à une amélioration de la fonction cognitive chez les souris âgées. Une collaboration avec l’UCSF Memory and Aging Center a montré que l’enzyme en question est également élevée dans le sang des personnes âgées qui pratiquent régulièrement une activité physique.

Quand le cerveau rajeunit sans effort

L’exercice physique améliore les fonctions cérébrales des personnes à risque de maladie neurodégénérative, telle que la maladie d’Alzheimer ou la démence frontotemporale. La découverte est donc exceptionnelle et véritablement porteuse d’espoir pour les 50 millions de personnes atteintes de démence dans le monde aujourd’hui. « S’il existait un médicament produisant les mêmes avantages cérébraux que l’exercice, tout le monde le prendrait. Notre étude suggère qu’au moins certains de ces avantages pourraient un jour être disponibles sous forme de pilule », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Saul Villeda, de l’UCSF.

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Un traitement capable d’apporter au cerveau les mêmes bienfaits que l’activité physique serait particulièrement utile pour les personnes âgées présentant un handicap ou certaines limitations physiques. Crédits : Pixabay

Lors d’études antérieures, Villeda et son équipe avaient montré que certains facteurs biologiques présents dans le sang des jeunes souris pouvaient « rajeunir » le cerveau des souris âgées, et inversement, les facteurs sanguins des souris âgées pouvaient entraîner un déclin cognitif prématuré chez les jeunes souris. Face à ce constat, deux chercheuses de l’équipe, Alana Horowitz et Xuelai Fan, ont souhaité rechercher parmi ces facteurs un élément qui pourrait conférer au cerveau les mêmes bienfaits que l’exercice physique.

Pour ce faire, elles ont prélevé du plasma sanguin sur des souris âgées qui s’étaient entraînées régulièrement pendant sept semaines, puis l’ont administré à des souris âgées sédentaires. Résultat : après quatre semaines de ce traitement, les souris sédentaires ont montré des améliorations spectaculaires en termes d’apprentissage et de mémoire alors qu’elles n’ont pas fourni le moindre effort physique ! Elles présentaient des capacités tout à fait similaires à celles observées chez les souris « sportives ».

En outre, en examinant le cerveau des animaux, les chercheurs ont décelé des preuves d’une production accrue de nouveaux neurones dans la région de l’hippocampe, zone cérébrale qui joue un rôle majeur dans les processus de mémorisation, entre autres. Plusieurs études ont déjà prouvé que le vieillissement cérébral impactait particulièrement l’hippocampe et que l’activité physique, notamment de type endurance, pouvait limiter le phénomène.

En mesurant le taux des différentes protéines présentes dans le sang des souris actives, Horowitz et Fan ont identifié une trentaine de protéines susceptibles d’être à l’origine de ces effets bénéfiques, dont 19 étaient principalement dérivées du foie. Deux de ces protéines, Gpld1 et Pon1, se sont révélées particulièrement importantes pour les processus métaboliques, et l’équipe a choisi d’étudier Gpld1 (la phospholipase D1) plus en détail, car elle était moins documentée par des études antérieures.

Leur choix a porté ses fruits : ils ont pu constater que le niveau de Gpld1 augmente dans le sang de souris après l’exercice et que ce taux est directement lié à l’amélioration des performances cognitives. Une étude parallèle chez des adultes âgés de l’UCSF Memory and Aging Centrer a montré que le taux de Gpld1 était également élevé chez les personnes actives. La question était de déterminer si cette protéine à elle seule pouvait générer les mêmes effets.

Vers une meilleure compréhension des communications organe-cerveau

Pour répondre à la question, les chercheurs ont manipulé génétiquement des souris de manière à ce que leur foie produise davantage de Gpld1. Ils ont ensuite mesuré les performances des animaux via divers tests de mémoire et d’autres fonctions cérébrales. Il se trouve que trois semaines de traitement ont produit des effets comparables à ceux obtenus après six semaines d’exercice physique régulier ! En outre, la « surproduction » de Gpld1 a engendré une augmentation spectaculaire de nouveaux neurones au sein de l’hippocampe.

Des résultats qui ont dépassé toutes les espérances des chercheurs… « Pour être honnête, je ne m’attendais pas à réussir à trouver une seule molécule qui pourrait reproduire autant des avantages de l’exercice sur le cerveau. […] Quand j’ai vu ces données, j’étais complètement abasourdi », déclare Villeda. Cette découverte est en effet véritablement exceptionnelle : une seule protéine produite dans le foie est capable de « dire » au cerveau de rajeunir ! Cet « exemple remarquable de communication foie-cerveau » suggère qu’il existe peut-être d’autres relations organe-cerveau jusqu’ici ignorées et sur lesquelles il serait possible d’agir pour traiter les formes de déclin cognitif et/ou certaines pathologies affectant les organes.

Autre point important mis en évidence par l’équipe de Villeda : la protéine Gpld1 produite par le foie ne traverse pas la barrière hématoencéphalique, qui protège habituellement le cerveau contre les agents toxiques ou infectieux pouvant se trouver dans le sang. Ici, la protéine semble exercer ses effets sur le cerveau par des voies qui, par la même occasion, réduisent l’inflammation et la coagulation sanguines dans l’ensemble du corps. Or, on sait que l’inflammation et la coagulation sanguines tendent à augmenter avec l’âge et sont liées à la démence et au déclin cognitif.

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À présent, le laboratoire souhaite mener de plus amples recherches autour de la protéine Gpld1, afin de mieux comprendre comment elle interagit avec d’autres systèmes de signalisation biochimiques pour stimuler ainsi le cerveau. Les chercheurs espèrent notamment identifier des cibles thérapeutiques spécifiques, qui pourraient un jour apporter tous les avantages protecteurs de l’exercice physique au cerveau vieillissant.

Source : Science, A. Horowitz et al.

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