Le TDAH aurait été un avantage évolutif chez les chasseurs-cueilleurs

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Des chercheurs suggèrent que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) a pu constituer un avantage évolutif pour les chasseurs-cueilleurs. Les symptômes, tels que les difficultés de concentration et l’impulsivité, auraient notamment pu contribuer à optimiser leurs tactiques de chasse et de recherche de nourriture. Si ce trouble est aujourd’hui considéré comme handicapant, c’est en raison de l’environnement et du mode de vie actuels, estiment les scientifiques.

Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par des niveaux élevés d’inattention, d’agitation et d’impulsivité. Il peut constituer une source de handicaps cognitif et relationnel parfois sévères, en entraînant par exemple des difficultés scolaires et des blessures accidentelles.

Bien que son étiologie ne soit pas entièrement comprise, il est généralement héréditaire et non influencé par des facteurs psycho-environnementaux (tels que l’exposition aux écrans). En effet, sa première description dans la littérature scientifique remonte au 18e siècle, ce qui signifie qu’il était déjà présent dans nos sociétés avant l’ère de l’information (milieu du 20e siècle).

Si ce trouble est habituellement considéré comme un handicap, des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont suggéré qu’il aurait pu au contraire constituer un avantage évolutif pour les chasseurs-cueilleurs ou les communautés nomades. Dans ces modes de vie, la recherche de nourriture nécessite un compromis entre l’exploration de nouvelles régions et l’exploitation des zones connues. Les caractéristiques du TDAH pourraient avoir un impact sur le comportement de recherche de nourriture, en favorisant la tendance à explorer de nouvelles zones plutôt que la focalisation sur celles déjà exploitées.

D’autre part, de précédentes recherches ont révélé la présence de mutations génétiques associées au TDAH dans les communautés actuelles de chasseurs-cueilleurs nomades (qui parcourent de grandes distances pour chercher de la nourriture), telles que les Ariaals d’Afrique. Ces données concordent avec l’hypothèse selon laquelle le trouble influence la capacité de prise de décision dans la recherche de nourriture. En outre, les mécanismes physiopathologiques du TDAH impliquent un processus noradrénergique lié à la régulation de la concentration sur une tâche et au comportement de recherche de nourriture.

D’un autre côté, « si [ces traits] étaient vraiment négatifs, alors on pourrait penser qu’au cours du temps évolutif, ils seraient évités », a déclaré à The Guardian David Barack, de l’Université de Pennsylavanie. Dans le cadre de leur nouvelle étude — publiée sur la plateforme Proceedings of The Royal Society B : Biological Sciences —, Barack et ses collègues ont cherché à confirmer de manière empirique les hypothèses des précédentes recherches. « Nos résultats constituent un premier point de données, suggérant des avantages dans certains contextes de choix », a-t-il expliqué.

Une meilleure efficacité dans la recherche de nourriture ?

Dans le cadre d’une expérience, les chercheurs de la nouvelle étude ont recruté 457 adultes de 46 ans en moyenne pour effectuer un jeu de recherche de nourriture en ligne. Le jeu consistait à cueillir le maximum de baies sur des buissons en 8 minutes. Le nombre de baies disponibles dans chaque buisson diminuait à mesure que la collecte s’effectuait. Pour collecter le maximum de fruits en un minimum de temps, les participants avaient donc soit le choix de rester à proximité des premiers buissons, soit d’en explorer d’autres, même si cela leur prenait plus de temps.

Les participants ont également rempli un questionnaire évaluant les symptômes de type TDAH. Bien que cela ne constituait pas un diagnostic réel, 206 personnes ont obtenu des scores positifs. Les experts ont constaté que les participants avec des scores de TDAH élevés avaient tendance à passer moins de temps sur un seul buisson, par rapport à ceux ayant des scores plus faibles. En d’autres termes, ils étaient susceptibles de délaisser rapidement leurs buissons initiaux pour en explorer de nouveaux.

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Tâche de recherche de baies virtuelles. Les participants ont commencé chaque essai en déplaçant le curseur sur une case d’intervalle inter-essais (ITI). Après une seconde de délai, la case ITI devenait verte. Les participants décidaient ensuite de rester sur une parcelle donnée et collecter des points (décision « exploiter ») ou de reconstituer la parcelle en échange d’un délai de déplacement (décision « explorer »). Encadré : captures d’écran des deux environnements de recherche de nourriture, avec des temps de trajet de 1 seconde à gauche et de 5 secondes à droite. © David L. Barack et al.

Cependant, les participants de type TDAH récupéraient généralement plus de baies dans le jeu que les volontaires avec des scores TDAH inférieurs. Cela suggère que bien qu’ils semblaient a priori dissipés et désorganisés, ils étaient meilleurs dans l’optimisation de leur stratégie de collecte. Ce comportement aurait pu être très avantageux dans notre passé évolutif, selon les chercheurs.

Ces résultats concordent avec ceux de précédentes études suggérant que le TDAH constitue un avantage pour les communautés nomades. Ils coïncident également avec d’autres recherches rapportant une augmentation de l’activité neuronale impliquée dans l’exploration et les changements dans les niveaux de noradrénaline neuromodulatrice, tous deux impliqués dans le trouble.

Toutefois, la présente étude comporte des limites, la première concernant le fait que la caractérisation du trouble était basée uniquement sur une auto-évaluation. D’autre part, les résultats pourraient ne pas s’appliquer à la recherche de nourriture dans le monde réel, dans la mesure où cela nécessiterait plus d’efforts pour se déplacer et s’orienter.

Néanmoins, d’autres experts soutiennent que les caractéristiques du TDAH pourraient effectivement être très utiles dans des situations nécessitant des déplacements et des prises de décision rapides. Il est également suggéré que si cette condition est aujourd’hui considérée comme problématique, c’est uniquement en raison de l’environnement et des modes de vie actuels.

Source : Proceedings of The Royal Society B : Biological Sciences

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