Brésil : un patient potentiellement « guéri » d’une infection par le VIH uniquement par voie médicamenteuse

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| NIH/NIAID
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Une nouvelle thérapie expérimentale semble avoir porté ses fruits : plus d’un an après l’arrêt du traitement, l’homme infecté par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ne présente plus la moindre trace du virus dans son organisme. L’exploit a été annoncé le 7 juillet, lors de la conférence AIDS 2020, par le Dr Ricardo Diaz, de l’Université fédérale de São Paulo, responsable de l’étude clinique. Cette rémission à long terme provoque cependant à la fois fascination et scepticisme parmi le corps médical…

En pleine pandémie de coronavirus, on en oublierait presque que d’autres virus — très contagieux et potentiellement mortels sans une prise en charge adaptée — sont toujours en circulation. Selon les dernières statistiques de l’ONU, près de 38 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH (dont 1,8 million d’enfants) et près de 690’000 sont décédées de maladies liées au sida en 2019.

Peut-être un troisième cas de rémission permanente

L’homme en question, un brésilien de 36 ans, surnommé « patient de São Paulo », a reçu un traitement particulièrement agressif à base d’antirétroviraux, associé à la prise de vitamine B3, pendant près d’un an. Aujourd’hui, aucune particule de virus ni aucun anticorps n’est détectable dans son sang, ce qui suggère que ce patient est potentiellement guéri de l’infection. Si cela se confirme, l’homme serait le troisième cas de patient diagnostiqué porteur du VIH affichant une rémission à long terme. Cela serait également la première fois que l’infection est éliminée uniquement par voie médicamenteuse, sans greffe de moelle osseuse ou de cellules souches.

Le tout premier cas rapporté de « guérison », connu sous le nom de « patient de Berlin », date de 2008. Le cas était particulièrement complexe, car le patient est à la fois atteint du VIH, mais aussi d’un cancer (une leucémie myéloïde aiguë). Il a finalement été soigné via deux greffes de cellules souches, issues d’un donneur possédant une mutation très spécifique ; cette dernière bloque l’infection car elle empêche le VIH de pénétrer dans les cellules cibles.

Le deuxième cas, rapporté par The Lancet HIV, concerne un homme de 40 ans, dénommé « patient de Londres ». Lui aussi avait malheureusement contracté un cancer (un lymphome de Hodgkin) en plus du virus du sida. Il a donc été traité de manière similaire au patient de Berlin : il a reçu une greffe de cellules souches dotées d’un gène résistant au HIV. Après une rémission de 30 mois, il semble aujourd’hui que ce patient soit définitivement débarrassé du virus.

Mais les greffes de moelle osseuse sont des interventions coûteuses et compliquées qui peuvent avoir de graves effets secondaires, ce qui en fait un remède peu pratique pour les millions de personnes atteintes du VIH…

Le « patient de São Paulo » a, quant à lui, entamé un traitement standard à base d’antirétroviraux deux mois après avoir été diagnostiqué porteur du VIH en octobre 2012. Il est recruté en 2015 par le docteur Diaz et ses collègues pour une étude clinique, avec quatre autres patients. On lui demande alors de compléter son traitement par deux antirétroviraux supplémentaires, et de la vitamine B3 (qui peut, en théorie, inciter les cellules infectées à « réveiller » le virus latent).

Après 48 semaines de ce traitement intensif, il est demandé aux cinq participants de reprendre leur traitement initial pendant trois ans, après quoi ils ont arrêté tous les médicaments, en mars 2019. Chez quatre d’entre eux, le virus est revenu rapidement. Le « patient de São Paulo » est, quant à lui, toujours en rémission…

Un « remède » potentiel, qui doit encore faire ses preuves

Le VIH est un virus particulièrement sournois : il peut rester « en sommeil » dans l’organisme, sans déclencher la moindre réponse immunitaire, puis se réactiver et se répliquer soudainement. Les traitements contre le VIH impliquent généralement un « cocktail » de trois médicaments, des antirétroviraux qui empêchent sa réplication et ciblent différentes étapes du cycle de vie du virus. En effet, celui-ci peut rapidement muter et devenir plus résistant, mais cela devient plus difficile si plusieurs médicaments sont administrés en même temps. Ce traitement permet de réduire la quantité de virus dans le sang (la « charge virale ») ; les personnes infectées peuvent ainsi continuer une vie quasiment normale. Mais si elles cessent de prendre le traitement, l’infection peut reprendre de plus belle.

Le traitement expérimental proposé à l’homme de São Paulo et aux autres participants, consistait à prendre une combinaison de trois médicaments : le maraviroc (un antagoniste compétitif du récepteur CCR5, qui empêche le VIH de pénétrer dans les cellules cibles), le dolutégravir (un antirétroviral) et le nicotinamide (ou vitamine B3).

Plus d’un an après l’arrêt de tout traitement, selon les chercheurs, il n’y a toujours pas de virus détectable dans ses échantillons de sang et de tissus. En outre, le taux d’anticorps anti-VIH est tombé à un niveau extrêmement bas, ce qui suggère que l’organisme s’est débarrassé de l’infection. Or, la plupart des patients qui éliminent le VIH à l’aide d’antirétroviraux et arrêtent leur traitement le voient revenir à des niveaux élevés en quelques semaines. « Peut-être que cette stratégie n’est pas bonne pour tout le monde, car elle n’a fonctionné que dans un cas sur cinq ici », souligne Diaz.

Le fait que le patient ait commencé un traitement très tôt — deux mois après le diagnostic — a peut-être augmenté ses chances d’éliminer définitivement le virus.

Sur le même sujet : Une nouvelle piste vers un vaccin contre le VIH

Certains pensent toutefois qu’il est trop tôt pour déclarer que l’homme est véritablement « guéri » du VIH. Des experts indépendants de l’étude estiment en effet que le cas nécessite d’autres analyses et que davantage d’informations doivent être publiées sur le sujet pour une évaluation par la communauté scientifique. Selon eux, la rémission permanente ne peut pas encore être garantie à ce stade. « Dans l’ensemble, il s’agit d’une affirmation remarquable, mais extrêmement frustrante étant donné le manque de détails sur le statut virologique du patient de São Paulo », a commenté le Dr Jonathan Stoye, chef du laboratoire d’interactions rétrovirus-hôte de l’Institut Francis Crick, qui n’a pas participé à l’étude. Le rôle exact du nicotinamide reste également à éclaircir et à confirmer…

Depuis son apparition dans les années 1980, le VIH a infecté près de 76 millions de personnes dans le monde, dont près de 33 millions sont décédées de suite de maladies liées au sida. Aucun vaccin, ni aucun remède n’ont encore été développés à ce jour ; la thérapie antirétrovirale, qui associe généralement trois médicaments à prendre à vie, reste aujourd’hui le seul moyen de vivre avec la maladie. 25 millions de personnes en bénéficient actuellement.

Source : Science

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