Le réchauffement climatique nous fait perdre 44h de sommeil par an

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Les conséquences du réchauffement climatique se multiplient, affectant nombre d’aspects de la vie, mettant toujours plus en péril notre capacité de résilience. En effet, notre corps, de manière générale, ne tolère qu’une amplitude thermique limitée, variant selon le contexte géographique. Et il n’en est pas moins vrai que des hausses de température conséquentes, quelle que soit la région du monde, affectent profondément notre fonctionnement biologique. Récemment, des chercheurs danois ont démontré l’impact délétère du réchauffement climatique sur notre sommeil, le réduisant de 44h par an en moyenne. Cette perte de repos peut mettre a mal la santé psychique et mentale, mais aussi soutenir des maladies cardiovasculaires, la dépression, entraîner une hausse des accidents par manque de vigilance, etc. Contenir la hausse des températures mondiales apparait, encore une fois, comme une mesure de préservation de nos vies, et pas seulement de la biodiversité.

Beaucoup de choses changent dans notre corps pendant le sommeil. Notre rythme cardiaque est plus lent que la normale, ainsi que notre respiration. Nos muscles se détendent. Enfin, nous subissons des changements dans la façon dont notre corps peut contrôler et répondre aux changements de température ambiante (environnementale) et de température interne du corps (centrale).

D’ailleurs, la température corporelle centrale suit un rythme circadien, ce qui signifie qu’elle monte et descend sur un cycle de 24 heures. Il est largement admis qu’une baisse de la température corporelle centrale est un signal pour que notre corps se prépare au sommeil — il s’agit d’une caractéristique profondément enracinée, commune à un certain nombre de mammifères. Au cours de la nuit, la température centrale baisse d’environ 1 °C, la température corporelle la plus basse se produisant tôt le matin. À l’inverse, l’augmentation de la température centrale pendant le sommeil semble favoriser le réveil.

Par conséquent, une chambre à coucher trop chaude ou trop froide peut entraîner des troubles du sommeil en affectant ces étapes essentielles au repos général du corps. Le consensus parmi les scientifiques est que la température dans la chambre devrait être d’environ 18 °C. Cela permet de perdre de la chaleur corporelle tout au long de la nuit, ce qui semble plutôt compromis lors des pics de chaleur, des canicules et autres vagues de chaleur, tous accentués par le réchauffement climatique.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Université de Copenhague ont déterminé dans quelle mesure les conditions thermiques et météorologiques ambiantes affectent le sommeil dans une population adulte mondiale. La hausse des températures due au changement climatique implique probablement que les gens dormiront moins dans les années à venir. Leurs résultats sont publiés dans la revue One Earth.

Un sommeil compromis

L’équipe de recherche, menée par Kelton Minor, spécialiste du comportement, a voulu pallier le manque de données, de fiabilité et de précision des études précédentes concernant le sommeil. La plupart se concentraient sur de courtes périodes et un nombre restreint de personnes ou de régions. Mais le principal écueil est la nature même des données : elles proviennent d’autodéclarations, sans aucun caractère objectif. Leur validité est donc discutable.

Pour atteindre leur objectif de recherche, l’équipe a donc regroupé plus de 10 milliards d’observations, enregistrées de 2015 à 2017, pour 48 000 individus. Elles comprennent 7,41 millions d’enregistrements de sommeil quotidiens répétés, couvrant 68 pays, et rendus possibles grâce à des bracelets de suivi du sommeil munis d’un accéléromètre. Ces derniers mesurent l’accélération non gravitationnelle linéaire de l’appareil sur lequel il est fixé — ici le bracelet, qui est connecté à un smartphone réceptionnant et stockant les valeurs. Par suite, les auteurs ont comparé ces données aux relevés météorologiques régionaux (températures, météo, heure du lever et du coucher du Soleil) ainsi qu’aux facteurs individuels (âge, sexe, statut social, milieu de vie, etc.).

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Infographie présentant la procédure suivie dans l’étude. © K. Minor et al., 2022

Ils ont alors découvert que l’augmentation des températures ambiantes avait un impact négatif sur les habitudes de sommeil, les obligeant à se coucher plus tard et à se réveiller plus tôt. Les résultats suggèrent qu’actuellement nous perdons à peu près 44h de sommeil par an.

En effet, l’augmentation de la température nocturne réduit le temps de sommeil, et les effets sont amplifiés à mesure que les températures deviennent plus élevées. Les nuits très chaudes, supérieures à 30 °C, les auteurs ont constaté que la durée du sommeil diminuait en moyenne de 14 minutes.

En outre, l’effet est près de trois fois plus important chez les individus globalement les plus pauvres que chez les individus plus riches. Ceci s’explique peut-être, comme le proposent les auteurs, par des habitations mieux isolées et des climatisations accessibles. Enfin, cette réduction du sommeil est nettement plus importante chez les femmes (par rapport aux hommes) et chez les personnes âgées.

En dernier lieu, l’équipe a associé ces données aux scénarios fournis par le GIEC (Groupement d’experts internationaux sur le climat), quant aux hausses des températures. Leurs résultats suggèrent que, d’ici 2099, des températures nocturnes élevées pourraient éroder le sommeil de 50 à 58 heures par personne et par an. Cela représente concrètement entre 13 et 15 nuits courtes (moins de 7h).

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Projections selon les scénarios du GIEC (le pire étant le RCP 8.5) de hausse des températures et l’effet sur la perte de sommeil, d’ici 2099. © K. Minor et al., 2022.

Effets biologiques et sociétaux néfastes de la chaleur

De plus en plus de preuves indiquent que la température augmente, avec des impacts sociétaux sur la santé publique, le comportement et le bien-être mental. Un sommeil insuffisant dégrade notre physiologie, nos comportements, mais aussi la société et l’économie. Ces risques seraient donc amplifiés avec des températures plus élevées. Par exemple, en augmentant la probabilité d’un sommeil de courte durée, des températures ambiantes élevées peuvent prédisposer des populations sensibles de la société à une aggravation de la sensibilité comportementale (colère et agressivité), à l’hypertension et à des problèmes cardiovasculaires, à la diminution des performances cognitives, à l’élévation du risque d’accidents et de blessures, et à une dégradation du fonctionnement du système immunitaire.

Sans compter que le changement climatique pourrait exacerber les inégalités environnementales mondiales, en érodant de manière disproportionnée le sommeil dans les régions les plus chaudes, avec des impacts sociétaux différents. Cette perte de sommeil évoluera, de manière négative, avec les futures concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre, responsables en grande partie du réchauffement.

Néanmoins, les auteurs abordent quelques pistes pour améliorer ces résultats, dont une planification résiliente à la chaleur, une conception environnementale du bâti et des interventions biopsychosociales. Elles permettraient de protéger plus équitablement les populations urbaines et les communautés vulnérables contre l’exposition aux températures nocturnes amplifiées.

D’ailleurs, les chercheurs soulignent : « Bien que notre échantillon comprenne des données provenant de 68 pays couvrant tous les continents peuplés, il a une couverture clairsemée pour de grandes parties de l’Afrique, de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud et du Moyen-Orient, des régions qui figurent déjà parmi les plus chaudes du monde. Les projections climatiques indiquent que de nombreux pays de ces régions seront exposés de manière disproportionnée à certaines des températures ambiantes les plus élevées, justifiant une étude future ».

L’équipe conclut qu’il sera sûrement possible, à l’avenir, que les gens s’adaptent à des températures nocturnes plus chaudes grâce à des développements technologiques ou environnementaux.

En prenant en compte ces nouvelles conséquences induites par le réchauffement climatique, il apparaît urgent de contenir la hausse globale des températures, comme le soutient le GIEC depuis de nombreuses années. Mais malgré l’accumulation de preuves, plus alarmantes les unes que les autres, les actions se font attendre. L’inaction aura un prix bien plus élevé, dans peu de temps, que celui de la mise en action de solutions.

Source : One Earth

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