La « molécule miracle » anti-COVID de l’Institut Pasteur est-elle si prometteuse qu’annoncé ?

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Fin septembre, les médias se sont empressés de mettre en avant une « molécule miracle » qui serait efficace contre le SARS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19. Selon les premiers commentaires, presque aucun effet secondaire n’aurait été identifié. La molécule, déjà utilisée comme traitement dans plusieurs pays européens pour traiter d’autres maladies, a été identifiée à l’Institut Pasteur de Lille. Peu de temps après l’annonce, et bien qu’initialement maintenu secret — probablement dans le but de trouver des investisseurs, le nom de la molécule a été dévoilé par l’agence AEF Info : il s’agirait du clofoctol, majoritairement connu sous le nom du médicament suppositoire Octofene.

La question que tout le monde se pose maintenant est la suivante : s’agit-il d’un véritable espoir, plus prometteur que d’autres molécules précédemment avancées comme le Remdesivir (qui finalement s’avère peu efficace), ou devons-nous nous attendre à un simple « coup de pub » d’un laboratoire en manque de financement ?

Selon les dernières nouvelles, c’est après des tests approfondis au laboratoire des Hauts-de-France de l’Institut Pasteur qu’il a été constaté que le médicament limitait efficacement la propagation du SARS-CoV-2, avec relativement peu d’effets secondaires, voire aucun. « Nous avons découvert une molécule très prometteuse », annonçait en septembre Benoît Déprez, directeur scientifique à l’Institut Pasteur de Lille.

Au moment de cette annonce, l’Institut Pasteur n’avait pas encore révélé le nom de ladite molécule miracle, mais il s’avère que l’information aurait fuité un peu plus tôt que prévu : il s’agirait du clofoctol, une molécule anciennement utilisée pour des suppositoires visant à traiter des affections respiratoires bénignes. « Nous voulons garder le nom de ce médicament secret pour éviter un marché parallèle, des prescriptions incontrôlables et pour garantir la gestion des stocks », déclarait un membre de l’équipe de recherche de Lille, qui est également directeur d’une société spécialisée dans le « repositionnement » de médicaments existants d’une utilisation à une autre, selon RTL.

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Commercialisé sous le nom d’Octofene jusqu’en 2005 en France, le clofoctol est un médicament antibiotique utilisé dans le traitement des atteintes respiratoires bénignes. Crédits : Adragan/Adobe Stock

Une molécule efficace durant les premiers stades de la maladie

« Nous avons utilisé ce produit, que l’on ne trouve pas partout », ajoutait le chercheur. « L’action principale se produit principalement dans les voies respiratoires et les poumons, où se trouve le virus au début de la maladie ». À en croire ces mots, le médicament serait — un peu à l’image de ce que l’on pensait initialement pour l’hydroxychloroquine — surtout efficace dans les premiers stades de la maladie. « Cette molécule a une action sur les deux portes d’entrée du virus dans les cellules humaines, contrairement à l’hydroxychloroquine. De plus, il n’est pas nécessaire d’augmenter sa concentration pour qu’elle soit efficace, contrairement au Remdesivir », annonçait avec enthousiasme Benoît Déprez à AEF Info.

Si elle fait preuve de son efficacité, la molécule pourrait être administrée facilement aux patients en ambulatoire, peu de temps après un test positif. Agir rapidement pourrait permettre de baisser la charge virale, de réduire la contagiosité et d’éviter que le malade se développe en une forme grave. Pour réduire le temps d’attente du diagnostic, les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille souhaitent utiliser en France les tests salivaires du laboratoire du CNRS Sys2Diag. Plusieurs centaines de patients ayant été testés positifs pour la COVID-19 devraient participer à un essai clinique visant à tester l’efficacité du clofoctol dans ces conditions, avant qu’il ne soit peut-être mis sur le marché à cette fin.

Un laboratoire en manque de financement

L’Institut Pasteur de Lille serait à la recherche de nouveaux financements et investisseurs depuis quelques années déjà. Les chiffres officiels avaient permis d’estimer, selon AEF info, que l’institut perd environ 3 millions d’euros par année. Suite à leur première annonce concernant la « molécule miracle », le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, s’était rapidement intéressé, proposant d’entrée un investissement d’environ 800’000 euros. Premier coup de pub réussi.

Peu de temps après (le 9 octobre), le groupe de luxe LVMH a lui aussi mis la main sur l’affaire, en proposant un don de plus de cinq millions d’euros, après que son directeur Bernard Arnault a entendu Benoît Déprez parler de la molécule dans les médias.

Selon le laboratoire, la somme récoltée servira à mener des études sur l’animal et, si elles sont concluantes, chez l’Homme en double aveugle. Bien que le clofoctol bénéficie d’un recul sur son utilisation et ses effets secondaires, l’Institut Pasteur préfère prendre toutes les précautions nécessaires. « Le but est de produire un résultat scientifiquement irréprochable, pas d’embrayer vers un objet commercial », précise Benoît Déprez.

Dans une situation sanitaire urgente comme celle que nous traversons, les opportunités pour les laboratoires pharmaceutiques vont et viennent, avec parfois des promesses et annonces officielles qui ne reflètent que peu la réalité. Mais il est bon de garder espoir. Espérons que l’Institut Pasteur de Lille puisse bientôt prouver l’efficacité de cette molécule dans le traitement de la COVID-19.

Sources : Connexion France, AEF Info

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