Indignation et colère après l’euthanasie du morse « Freya », appartenant à une espèce protégée

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La femelle morse Freya, faisant la sieste sur un bateau dans le port d’Oslo. | Tor Erik Schrder/AFP
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Les défenseurs des droits des animaux et les scientifiques à travers le monde sont choqués par la décision des autorités norvégiennes concernant le morse devenu célèbre dans le fjord d’Oslo. Prénommé « Freya », de manière posthume, cette femelle morse était connue depuis mi-juillet pour profiter des bateaux en mouillage dans le fjord, y grimpant afin de faire la sieste, en toute quiétude. Mais la bêtise humaine n’ayant pas de limite, les touristes se pressaient toujours plus près pour avoir « la » photo. Le stress engendré sur l’animal le mettait en péril malgré les recommandations de se tenir à distance. Malheureusement, n’ayant pas été suivies, les autorités ont tout simplement décidé d’éliminer « le problème » du morse en l’abattant.

Déjà observée au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède, Freya a choisi de passer une partie de l’été en Norvège, où elle a d’abord acquis une notoriété en se hissant sur des bateaux de plaisance à Kragerø, avant d’aller faire de même dans les eaux de la capitale depuis le 17 juillet. La présence du mammifère, vivant normalement sous des latitudes plus septentrionales de l’Arctique, a attisé la curiosité de la population locale et animé pendant plusieurs semaines la presse locale et internationale.

Depuis la protection du morse en 1952, la population de morses du Svalbard, dont serait originaire Freya, s’est très largement développée et dispersée dans tout l’archipel. Le morse se nourrit essentiellement d’invertébrés tels que les mollusques, les crevettes, les crabes et les petits poissons. Son poids moyen à l’âge adulte tourne autour d’une tonne pour un mâle et de 700 kilogrammes pour une femelle.

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Un animal stressé et malmené par la bêtise humaine

Frank Bakke-Jensen, le directeur général des Pêches, déclare dans un communiqué : « Grâce à des observations sur place la semaine dernière, il a été clairement indiqué que le public n’avait pas tenu compte de la recommandation actuelle de garder une distance claire avec le morse. Par conséquent, la Direction a conclu que la possibilité de dommages potentiels aux personnes était élevée et le bien-être de l’animal n’était pas maintenu ».

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Personnes rassemblées très près du morse, les visages floutés pour protéger la vie privée. © Norwegian Directorate Of Fisheries

En effet, malgré les appels incessants à rester à distance et à ne pas déranger le mammifère, la jeune femelle de quelque 600 kilos attirait énormément d’attention, présentant un risque pour le public et l’animal, a estimé la direction de la pêche. Par exemple, la femelle morse a aussi été observée en train de chasser des canards et des cygnes non loin des visiteurs, très proches de l’animal, voire de poursuivre une femme se baignant, selon les médias locaux. Mais le morse est un animal qui aime avoir sa tranquillité et ses journées sont souvent occupées par un très long temps de sommeil qui peut atteindre les 20 heures par jour. Le respect d’une simple règle aurait donc pu épargner cet animal, dont les populations subissent de lourdes pertes à cause du changement climatique et de la réduction drastique de leurs zones de repos.

Si la chasse et le commerce d’ivoire sont désormais soumis à des réglementations strictes, c’est avant tout le changement climatique qui promet d’impacter le mammifère dans les décennies à venir. Alors que l’on comptait en 1990 environ 200 000 individus à travers le monde, l’espèce considérée comme vulnérable depuis 2016 n’a cessé de régresser depuis.

Il faut savoir que le recul de la banquise, en surface et en épaisseur, a atteint un rythme record depuis le début du XXIe siècle, mettant en péril nombre d’espèces, comme les ours polaires et les morses. Or, c’est sur la glace que les morses se regroupent en période de reproduction, et que la mise bas s’effectue. La banquise constitue également un lieu de repos pour le mammifère, non loin des zones d’alimentation. Plutôt mal à l’aise sur la terre ferme de par sa corpulence, les morses sont forcés de s’entasser en grand nombre le long des rives des mers et des océans qu’ils fréquentent. Les bousculades, de plus en plus fréquentes, peuvent alors entraîner la mort de plusieurs centaines d’animaux.

L’abattre était-elle vraiment la seule solution ?

Plusieurs solutions possibles au problème ont été discutées concernant la présence de morses dans le fjord d’Oslo. Frank Bakke-Jensen souligne : « Nous avons soigneusement étudié toutes les solutions possibles. Nous avons conclu que nous ne pouvions pas assurer le bien-être des animaux par tous les moyens disponibles ».

Le déplacement de l’animal a fait l’objet d’une réflexion approfondie avec l’Institut norvégien de recherche marine. La grande complexité d’une telle opération leur a fait conclure qu’il ne s’agissait pas d’une option viable. Il y avait plusieurs problèmes de bien-être animal associés à une éventuelle relocalisation. L’exemple du béluga de la Seine a conforté leur décision.

Effectivement, il a fallu six heures pour sortir le béluga de l’eau dans la nuit du mardi au mercredi 10 août. Il était retenu dans une écluse dans l’Eure, à Saint-Pierre-la-Garenne depuis le vendredi 5 août, après avoir remonté la Seine depuis plus d’une semaine. Le cétacé de 800 kg devait être relâché dans un bassin d’eau salée du port d’Ouistreham (Calvados). Malheureusement, il a dû être euthanasié après son arrivée en camion à Ouistreham, a annoncé la préfecture du département normand. Les experts espéraient pouvoir le soigner avant de le relâcher en mer, mais sa situation de grande faiblesse et sa respiration défaillante ont conduit les autorités vétérinaires à cette décision.

Cependant, dans le cas du morse de Norvège, son état de santé n’était pas encore en jeu, malgré l’inquiétude sur son bien-être et le stress qu’elle subissait — les responsables craignaient que parce que Freya semblait en détresse, il devenait de plus en plus probable qu’elle attaque et blesse un humain. Mais ce risque aurait pu être évité avec des mesures contraignantes, comme le fait remarquer Siri Martinsen, porte-parole de l’association de protection des animaux NOAH, selon l’agence Euronews : « C’est très choquant. On est dans une situation qui offre l’occasion de montrer de la considération pour les animaux sauvages et de donner l’exemple aux gens. On aurait dû essayer d’attribuer des amendes. On aurait alors probablement vu ces masses de gens disparaître rapidement ».

Bakke-Jensen tente une modération de cette décision incompréhensible : « Nous avons de la sympathie pour le fait que la décision puisse provoquer des réactions auprès du public, mais je suis convaincu que c’était la bonne décision. Nous avons un grand respect pour le bien-être des animaux, mais la vie et la sécurité humaines doivent primer ».

Néanmoins, il faut rappeler que l’Homme doit cohabiter avec la nature, nous ne la dominons pas, nous en faisons partie. L’ONG Sea Sheperd déclare sur Twitter : « La honte absolue pour la Norvège qui en plus d’être le pays qui tue le plus de baleines au monde, n’hésite pas à tuer un animal protégé au lieu de faire respecter les distances par les curieux. Nous ne méritons pas cette planète ».

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