L’univers est-il issu d’une collision branaire ?

collision branaire
| Nicolle R. Fuller/Science Photo Library
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Avec l’avènement de la théorie des cordes, de nouveaux modèles cosmologiques ont vu le jour parallèlement au développement d’une nouvelle cosmologie : la cosmologie cordiste.

En utilisant des objets bien particuliers issus de la théorie des cordes, les branes, les physiciens ont pu construire des modèles novateurs décrivant l’origine et l’évolution de l’univers dans le cadre de ce qui se nomme désormais la « cosmologie branaire ».

Les prémices de la cosmologie branaire émergent à la fin des années 1990 sous l’impulsion de physiciens tels que N. Arkhani-Hamed, R. Sundrum, L. Randall, P. Steinhardt ou encore N. Turok. Ces derniers cherchent alors à résoudre le problème de la hiérarchie, c’est-à-dire à trouver un mécanisme qui expliquerait la raison pour laquelle l’intensité de la gravité est si faible par rapport à l’intensité des autres interactions fondamentales.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Pour ce faire, les physiciens utilisent la théorie des cordes et ses dimensions supplémentaires. L’univers possède quatre dimensions (3+1) qui nous sont accessibles et plusieurs autres dimensions supplémentaires hors de notre portée.

L’électromagnétisme et les interactions nucléaires faibles et fortes sont confinées au sein des quatre dimensions visibles de notre espace-temps tandis que la gravité, quant à elle, du fait de sa nature, se propage à travers toutes les dimensions. Son intensité est ainsi « diluée » et nous n’observons dès lors qu’une petite partie de sa réelle intensité dans nos quatre dimensions.

De telles considérations, au demeurant tout à fait légitimes au regard de la théorie des cordes, ont nécessité l’élaboration de modèles d’univers intégrant ces paramètres. Notamment un modèle dans lequel notre univers à quatre dimensions serait contenu dans un objet dynamique, une brane, elle même contenue dans un univers de plus grandes dimensions (N > 4), une sorte d’« hyper-univers » (« hyperspace » en anglais). Un tel univers de dimensions supérieures est appelé un « bulk ».

Cosmologie branaire : branes, cordes et bulk

L’élément principal issu de la théorie des cordes sur lequel se base la cosmologie branaire est la brane (le mot « brane » vient de « membrane »). Une brane est un objet possédant certaines caractéristiques physiques (énergie, masse, charge…), se propageant dans l’espace-temps et étant dynamique. Ce dernier point signifie qu’une brane n’est pas un objet statique, elle peut changer de configuration et de position dans l’espace-temps. C’est également un objet étendu, c’est-à-dire qu’il est dimensionné.

Plus précisément, l’on parle de p-brane. Le ‘p’ indiquant le nombre de dimension(s) spatiale(s) de la brane. Ainsi, par exemple, une 3-brane est une brane de 3 dimensions spatiales et d’une dimension temporelle. Tandis qu’une 0-brane est une particule ponctuelle.

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Illustration d’une 3-brane (vert) dans l’espace-temps (jaune) avec des cordes ouvertes ou fermées (noir). Crédits : vorpal.us

Le deuxième élément important est la corde (à ne pas confondre avec les cordes cosmiques). En théorie des cordes, une corde est un objet à une dimension se propageant dans l’espace-temps et caractérisé par sa taille, sa tension, son mode vibratoire et son énergie. C’est son mode vibratoire qui détermine le type de particule engendrée. Selon la façon dont vibre la corde, il s’agira d’un électron, d’un quark, etc. Enfin, une corde peut être ouverte (c’est un segment) ou fermée (c’est un cercle).

En cosmologie branaire, notre univers est contenu dans une 3-brane, et plus précisément une D3-brane. Le ‘D’ signifie « Dirichlet » du nom du mathématicien allemand Johann Dirichlet. En effet, dans cette D3-brane, toutes les particules et interactions sont des cordes ouvertes dont l’une au moins des extrémités est fixée à la brane. Et ce pré-requis s’explique par une condition mathématique particulière appelée « condition aux limites de Dirichlet ». Ceci n’est pas anodin car en cosmologie branaire, ce sont les extrémités des cordes ouvertes qui engendrent les particules.

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Une D3-brane sur laquelle sont fixées, par leurs extrémités, des cordes ouvertes. Crédits : Wikipédia

Seule la gravité diffère des autres interactions en ce qu’elle est l’unique corde fermée des modèles branaires. Cela signifie que, puisqu’aucune de ses extrémités n’est fixée à la D3-brane, celle-ci est libre de se propager dans les dimensions supplémentaires du bulk en dehors de la brane. Ce phénomène de propagation multidimensionnelle offre ainsi une solution directe au problème de la hiérarchie.

Mais ce n’est pas tout. Car si la cosmologie branaire livre une explication au problème de la hiérarchie, elle permet en outre de jeter une lumière sur une autre zone d’ombre fondamentale de la cosmologie moderne : l’origine et l’évolution de l’univers.

Le modèle ekpyrotique : un billard cosmique à l’origine de notre univers ?

Au début des années 2000, les physiciens N. Turok, P. Steinhardt et B. Ovrut élaborent un modèle cosmologique branaire expliquant l’origine de l’univers : le modèle ekpyrotique. Le terme « ekpyrotique » vient du grec « ekpyrosis » signifiant conflagration. Dans la Grèce antique, sous l’impulsion de penseurs comme Plutarque, émerge l’idée selon laquelle l’univers aurait débuté par une grande explosion de feu, suivie par une destruction puis par une renaissance, et ainsi de suite.

C’est avec cette idée que les physiciens ont bâti leur théorie. Dans le cadre du modèle ekpyrotique, notre univers est contenu dans une D3-brane « flottant » dans un univers de dimensions supérieures (au moins plus de 3 dimensions spatiales) appelé bulk. Dans ce bulk flottent d’autres branes de dimensions diverses. Certaines de ces branes sont vides, tandis que d’autres contiennent des univers (ou simplement de la matière et/ou de l’énergie). Notre D3-brane se propage donc dans le bulk aux côtés de nombreuses autres branes.

univers branes bulk
Notre univers est contenu dans une brane flottant aux côtés d’autres branes, dans le bulk. Crédits : Princeton University

Pour répondre à la question de l’origine de l’univers, le modèle ekpyrotique avance l’hypothèse que deux branes vides seraient entrées en collision dans le bulk. Une brane possédant initialement une certaine quantité d’énergie, la collision de deux branes aurait entraîné un violent échange d’énergie cinétique entre celles-ci. Immédiatement, une partie de cette énergie se serait transformée en une soupe primordiale de matière-énergie, plus précisément un plasma quarks-gluons, et l’autre aurait donné l’impulsion de l’expansion de l’univers. Ce modèle, tout en respectant la théorie du Big Bang, constitue une alternative à l’inflation.

De telles collisions branaires ne sont pas nécessairement rares et peuvent être amenées à se produire aléatoirement dans le bulk. Dès lors, le modèle ekpyrotique peut être qualifié de modèle cyclique, car ses auteurs précisent qu’il est possible que notre univers actuel ne soit ni le premier, ni le dernier, notre précieuse 3D-brane n’étant pas à l’abri d’une (autre ?) collision future.

En outre, sans considérer de potentielles collisions, certaines versions du modèle ekpyrotique prévoient naturellement un Big Bounce, donc l’alternance du Big Bang et du Big Crunch.

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Illustration d’une collision branaire. Crédits : Nicole R. Fuller/Science Photo Library

Le modèle ekpyrotique offre la possibilité d’être testé expérimentalement par des prédictions observables. Ainsi, en tant qu’alternative au mécanisme de l’inflation, celui-ci prévoit par exemple l’absence de modes de polarisation particuliers des ondes gravitationnelles primordiales, les modes B. Si les observations montraient effectivement une telle absence, le modèle s’en trouverait dès lors conforté.

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